Des dizaines de millions d’années avant l’extinction finale, les dinosaures étaient déjà en déclin

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L’hypothèse développée aujourd’hui dans la revue  » Proceedings of the National Academy of Sciences » par une équipe de chercheurs des universités de Reading et Bristol, en Angleterre, vient apporter de nouveaux éléments sur la disparition des dinosaures, il y a 66 millions d’années. Selon celle-ci, ils étaient déjà sur le déclin quand le météore a frappé…

Voici 66 millions d’années, un météore d’une dizaine de kilomètres de diamètre frappait la Terre près de ce qui est aujourd’hui la petite ville de Chicxulub, au Mexique. Le résultat c’est un cratère d’impact d’environ 180 kilomètres de large, dernier témoin d’un événement que l’on qualifie « d’extinction massive », et qui, c’est la thèse la plus communément admise chez les scientifiques, aurait mis fin à 150 millions d’années de règne des dinosaures sur notre planète.

Si le météore en question avait manqué la Terre, nous pourrions donc être aujourd’hui dans un monde toujours peuplé de descendants des tyrannosaures et autres diplodocus et dans lequel les êtres humains n’auraient pas eu beaucoup de chances d’évoluer. A moins que l’évolution, justement, ait déjà fait le plus gros du travail. C’est en tout cas ce que proposent Manabu Sakamoto et Chris Venditti de l’Université de Reading et Michael J. Benton de l’Université de Bristol, pour qui le déclin des dinosaures avait déjà commencé bien avant l’impact fatal.

Balayant certaines études précédentes, qu’ils critiquent pour un « manque de rigueur statistique », les auteurs ont utilisé les données recueillies sur les fossiles disponibles pour élaborer une étude des différentes espèces de l’époque des dinosaures et de leur évolution. Le résultat, surprenant, serait donc que le déclin des diverses espèces de dinosaures aurait débuté quelques dizaines de millions d’années avant que le météore de Chicxulub ne frappe la Terre. « Les dinosaures ont démontré une réduction marquée de leur capacité à remplacer les espèces éteintes par de nouvelles, les rendant vulnérables à l’extinction et incapable de répondre rapidement et de se remettre de l’événement catastrophique final », précise l’étude. « Même si l’impact de l’astéroïde est toujours le meilleur candidat pour la disparition des dinosaures, il est clair qu’ils avaient déjà perdu leur place dans la position dominante de l’évolution » selon Manabu Sakamoto.

D’où viendrait donc cette vulnérabilité des dinosaures ? Plusieurs explications sont mises en avant : la séparation entre les super-continents de Laurasia et du Gondwana qui aurait limité la liberté de mouvement de ces espèces, le volcanisme intense et prolongé qui sévissait à l’époque, le changement climatique, les fluctuations du niveau des mers ou encore l’interaction avec des espèces en expansion rapide. Dans tous les cas, l’extinction des dinosaures aurait été un processus long, et inégal en fonction des espèces de dinosaures considérées.

« Nos résultats montrent que les dinosaures étaient en déclin pendant une bien plus longue période qu’on le pensait précédemment. Le taux d’extinction a surpassé le taux de spéciation (apparition de nouvelles espèces pour remplacer celles qui se sont éteintes, NDLR) au moins 40 millions d’années avant leur extinction finale. Ce déclin prolongé laisse beaucoup de temps pour que d’autres groupes d’animaux se répandent et prospèrent, alors que de plus en plus de niches écologiques voyaient le jour ». Les mammifères, déjà, auraient commencé à en profiter.

Que s’est-il réellement passé voici 66 millions d’années ? Nous n’en avons pas encore une image très précise, et les incertitudes sont suffisantes pour laisser la place à des théories parfois contradictoires, voire un peu extrêmes. A commencer par l’objet responsable de la collision : il pourrait aussi bien s’agir d’un astéroïde que d’une comète.

« Nos travaux sont essentiels, car ils changent notre compréhension sur ces puissantes créatures. L’apocalypse soudain a été le dernier clou sur leur cercueil, mais quelque chose se produisait déjà pour empêcher les dinosaures de renouveler leur espèce alors que les anciennes espèces disparaissaient. »

En 2014, une étude emmenée par des chercheurs de l’université d’Edimbourg (Ecosse) avait déjà mis en avant le fait que le météore était tombé dans un contexte plus vaste de baisse de diversité des espèces, et que si la catastrophe s’était produite quelques millions d’années plus tôt, les dinosaures auraient survécu, en tout cas nombre d’entre eux.

Un autre élément à apporter au « dossier dinosaure » est le volcanisme. Les Trapps du Deccan, en Inde, se sont formés à peu près à la même période que le fameux impact, ce qui laisse penser à certains scientifiques que ce volcanisme, qui aurait débuté 200.000 ans avant la chute du météore et se serait poursuivi 500.000 ans après, aurait joué un rôle capital dans l’extinction. Mais là encore il y a débat, et d’autres pensent au contraire que les fameuses éruptions pourraient être une conséquence directe de l’impact du météore.

Toujours dans le domaine des hypothèses, mais qui ne fera probablement pas l’unanimité, Michel Rampino, professeur de biologie à l’université de New York, a trouvé une corrélation entre la matière sombre et les extinctions massives en général (donc celle des dinosaures en particulier). Cette matière invisible perturberait périodiquement l’orbite des comètes dans notre système solaire, favorisant ainsi les collisions.

La matière sombre ne serait pas la seule à être montrée du doigt. Un autre facteur pourrait entrer en ligne de compte : la fameuse planète 9 (ou planète X, tout dépend si vous pensez que Pluton est toujours une planète ou pas). Alors que Mike Brown et Constantin Batygin recherchent toujours la planète dont ils ont calculé l’orbite, un professeur d’astrophysique à la retraite, Mark Whitmire, a affirmé fin mars que le passage de la fameuse planète pourrait périodiquement déloger des comètes de leurs orbites, déclenchant des collisions en série avec les planètes, dont notre bonne vieille Terre. Des événements qui, selon lui, se produiraient environ tous les 27 millions d’années. L’un d’entre eux serait survenu il y a 66 millions d’années.

Enfin, dans la série des hypothèses marginales, il faut citer l’étude japonaise publiée le mois dernier, et selon laquelle, au moment de l’extinction des dinosaures, la Terre serait passée au travers d’un nuage interstellaire, ce qui aurait assombri le ciel et provoqué un refroidissement global pendant un million d’années. Il y a vraiment de quoi y perdre son latin. Comète, astéroïde, volcan, changement climatique ou évolution ? Difficile aujourd’hui de connaître avec certitude le ou les coupables de l’extinction des dinosaures, même si le rôle de l’impact survenu il y a 66 millions d’années est difficile à écarter.

Mais une question demeure : Est-ce que cela signifie que les dinosaures auraient quand même disparu s’il n’y avait pas eu la météorite ? S’ils avaient continué sur leur trajectoire, même en l’absence de météorite, alors il n’y aurait plus eu de dinosaures en quelques millions d’années selon Venditti. Mais Stephen Brusatte, de l’université d’Edinburgh, n’est pas d’accord « Les dinosaures étaient déjà affaiblis pour endurer l’impact, mais s’il n’y avait pas eu cette roche céleste, alors je pense qu’on aurait encore des dinosaures aujourd’hui ».

Fossilisblog

Référence de l’étude : Dinosaurs in decline tens of millions of years before their final extinction